VIRTUAL SEX VIDEO

C’est le sort de mon sang de s’enflammer pour vous.

J’ai passé des bras de la mère dans ceux du fils…

“— Mon fils ! qu’entends-je ? répond avec fureur Madame de Furiel, jetant un regard terrible sur Mille. Est-ce que le scélérat aurait eu l’impudence d’imaginer une pareille fable ? Mon fils, un vil coiffeur…”

« À ces mots, Mille, sentant qu’il n’y avait plus à reculer, que tout le mystère était dévoilé, sans lui répondre, se précipite à ses genoux, convient de sa supercherie, m’en demande pardon, la rejette sur la crainte de me déplaire par un nom obscur et sa profession d’artisan ; cherche, son excuse dans son amour, et se croit pardonne puisqu’il m’a plu.

« Frappée de cette autre découverte, je n’avais pas encore ouvert la bouche, mais mon silence ne pouvait que s’interpréter favorablement. Madame de Furiel, au comble de la rage, continue et termine de la sorte :

“Je pourrais vous faire infliger sur-le-champ la punition que vous méritez tous deux ; mais vous êtes des créatures trop méprisables à mes yeux pour que je m’abaisse à la vengeance. Qu’on la dépouille de tout ce qui m’appartient ; qu’on lui rende ses habits de paysanne ; qu’on la mette à la porte avec son greluchon, et qu’elle aille bientôt obtenir ailleurs la correction réservée a ses pareilles.”

« On exécute les ordres de ma bienfaitrice. Je ne me déconcerte point, et, d’un grand sang-froid, je prends Mille sous le bras.

« “Allons, mon ami, lui dis-je, je te pardonne ta ruse et la perte de ma fortune, tu as de quoi m’en dédommager ; tu vaux mieux que tout ce qu’on m’ôte. Sortons au plus tôt de cette moderne Sodome avant que la foudre du ciel tombe et ne l’écrase.”

« Le coiffeur me conduit à son appartement ; m’y recueille, il a grand soin de moi ; cela va le mieux du monde pendant quelques jours, et peut-être aurions-nous vécu longtemps heureux ensemble sans la fille de modes, sa première maîtresse.

« Outrée de perdre le fruit de sa méchanceté, de voir qu’elle a tourné contre ses propres vues et, au lieu de nous séparer, nous a réunis plus étroitement, sa jalousie s’accroît au point de venir souvent nous faire des scènes, des algarades qui alarment les voisins de Mille. Ils me prennent pour une catin des rues ; ils en portent des plaintes au commissaire, et, une belle nuit, on vient m’arracher du lit de mon amant pour me conduire à Saint-Martin…

« Je ne vous peindrai point en détail cette prison consacrée aux femmes de mauvaise vie, séjour aussi horrible que dégoûtant. Il suffira de vous la représenter comme la sentine de tous les vices, le théâtre de toutes les impudicités, où se débitent toutes les ordures, toutes les grossièretés, tous les jurements, tous les blasphèmes de la débauche la plus crapuleuse et parfois la plus énergique. Heureusement, ce n’est qu’un dépôt, un lieu de passage pour aller à ce que nous appelons la grande maison, c’est-à-dire l’hôpital général. Il n’est sans doute aucun de vous, Messieurs, qui n’ait lu le court et magnifique éloge qu’en fait Madame Gourdan dans le chef-d’oeuvre d’éloquence érotique qu’on a jugé digne d’être transmis à la postérité ; il faut toutefois beaucoup rabattre de son enthousiasme. Ce lieu de correction, quoi qu’elle en dise, tout aussi abominable que le premier, ne serait pas moins susceptible de corruption, et au physique et au moral, si, d’une part, il n’était plus vaste et plus aéré, et si, de l’autre, un ministre patriote (Malesherbes) n’avait imaginé d’appliquer au travail tant de mains criminelles et, en préservant de l’oisiveté ces malheureuses captives, de faire tourner à l’avantage commun leur punition.

« Le lieutenant-général de police actuel, non moins homme d’État, a perfectionné ce plan que Monsieur de Malesherbes n’avait pu qu’ébaucher, et les salles immenses de l’hôpital, dont l’air pestilentiel eût autrefois corrompu la vertu la plus pure si elle y fût entrée, sont devenues des laboratoires, sinon édifiants, au moins utiles. Au reste, comme j’étais grosse, ainsi que j’en fis la déclaration, qu’il fut aisé de vérifier, on me mit dans un quartier séparé. J’y fus traitée fort doucement ; j’y accouchai ; l’on me soigna très bien jusqu’à mon parfait rétablissement, et l’on me renvoya, en sorte que je sortis heureusement de cette prison presque sans la connaître que par ouï-dire, mais je n’avais pas le sou. Je n’avais point de hardes, rien à mettre en gages pour faire de l’argent, et je ne savais où donner de la tête, surtout quand, après avoir été chez Mille, j’appris que, tourmenté par sa mégère et pour se soustraire à ses persécutions, il s’était engagé avec un seigneur étranger et était parti pour la Russie. Il avait vendu tous ses effets et les miens ; il n’avait pas daigné me donner le moindre secours, s’informer de moi, et m’avait laissée dans le dénuement le plus absolu.

« Je compris alors, mais trop tard, la vérité de ce que m’avait dit ma bienfaitrice de la légèreté, de l’inconstance, de la perfidie, de la scélératesse des hommes. Je résolus bien de ne m’attacher à aucun de ma vie. Cependant, il fallait exister, et je ne vis d’autre ressource que d’aller demander un asile à Madame Gourdan. Je ne connaissais guère encore Paris ; je ne savais point sa demeure, ni la rue de cette femme célèbre, mais je m’imaginais que tout le monde devait la savoir et j’interrogeais tous les passants. Les uns ne me répondaient point, d’autres me riaient au nez ; les dévotes faisaient des signes de croix ; l’une d’elles, après cette simagrée, m’envisage, me prend la main et me dit : “Mon enfant, vous n’êtes pas faite pour aller là ; j’ai pitié de votre ingénuité ; bénissez la Providence et remettez-vous en mes mains, je vous placerai mieux qu’en pareil lieu. Venez chez moi, d’abord, et faites-moi votre confession.”

« Je la suivis non loin d’ici, dans la rue du Bac, près des Missions étrangères, où était son domicile.

« Je suis naturellement franche ; d’ailleurs je n’avais point eu le temps d’arranger une histoire ; j’étais poussée par le besoin. Je pris confiance en cette femme et lui racontai de point en point tout ce qui m’était arrivé, dont au fond je n’avais nullement à rougir, puisque j’avais été entraînée dans mes divers dérèglements par une fatalité presque inévitable. De son côté, elle avait des raisons pour être indulgente et ne voyait pas avec peine, par tout ce que je lui apprenais, que je n’en étais que plus propre à la destination qu’elle voulait me donner.

« Elle me dit à son tour qu’elle s’appelait Madame Richard, qu’elle était veuve et sans enfant, que son époux avait été loueur de chaises à l’église des Missions étrangères, d’où elle avait eu l’occasion d’aller dans la maison, de faire connaissance avec ces messieurs ; que pour mieux s’insinuer auprès d’eux elle avait pris le parti de jouer le rôle de dévote ; qu’elle s’était attachée à l’un de ces gros bonnets et faite sa pénitente ; qu’ayant essayé, dans une confession, de prouver ce que la chair pourrait sur lui, sous prétexte de lui exposer ses scrupules de la manière dont son mari opérait l’oeuvre avec elle, c’était avec une vraie satisfaction qu’elle avait reconnu qu’il n’était pas insensible, ce qui l’encouragea, quoiqu’il l’eût beaucoup grondée cette fois et lui eût enjoint d’être désormais plus réservée et d’abréger pareils détails, à redoubler la seconde fois de lascivité dans sa description.

« Celle-ci, plus adroite, roulait sur une infidélité commise envers son mari, en cédant enfin aux instances d’un galant dont les séductions l’avaient fait succomber. Elle s’aperçut que ce péché ne déplaisait point tant au grave personnage, dans le coeur duquel se glissait déjà, malgré lui, l’espoir d’être quelque jour aussi heureux. Il la réprimanda pourtant encore, mais avec moins de sévérité, l’appelant sa chère pénitente et l’exhortant à venir souvent au tribunal de la pénitence pour extirper ce malheureux penchant qui l’entraînait vers l’homme. Après avoir, par ces heureuses tentatives, ébranlé la vertu du ministre de Jésus-Christ, elle résout de lui porter le dernier coup. Il s’agit d’un songe voluptueux. Ce n’est plus une fornication, un simple adultère, c’est un sacrilège, un inceste spirituel, avec un prêtre, avec un religieux, avec son… ; elle n’ose achever, tant elle est effrayée de l’énormité de son crime, quoiqu’il n’ait point été réalisé et n’ait eu lieu qu’en rêve. Pour le coup, il oublie son rôle, ou plutôt il en use dans toute son étendue : il veut savoir avec qui. Il la presse, il lui ordonne de la part de Dieu, qu’il représente, de n’avoir rien de caché. Enfin elle se rend à la volonté du Ciel… C’est avec son confesseur qu’elle croyait être couchée, c’est avec lui… Cet aveu était trop artificieusement préparé pour ne pas produire son effet. Il jette le trouble tout à la fois dans le cour et l’âme du directeur. Il en perd la tête, il balbutie, il ne sait ce qu’il dit ni ce qu’il fait ; la chair se révolte avec une impétuosité qu’il n’avait pas encore éprouvée ; il cherche machinalement à la dompter ; il s’agite, il se secoue, il tombe dans une frénésie délicieuse ; sa chair se tait mais il rougit de la victoire ; il n’a rien de plus pressé que de se débarrasser de sa pénitente par une prompte absolution et d’aller ensevelir sa honte dans sa cellule.

« Celle-ci n’a rien perdu de ce qui se passait ; elle conçoit qu’il ne s’agit plus que de faire naître l’occasion d’un tête-à-tête avec lui pour compléter la séduction ; qu’il faut profiter du moment où son imagination est exaltée. Elle prétexte une maladie. On était dans la quinzaine de Pâques. Elle envoie son mari prier son confesseur de vouloir bien venir l’entendre ; il arrive en diligence, elle était au lit dans une grande propreté ; il l’interroge avec un vif intérêt sur son état. Elle n’en sait rien elle-même ; ce sont des vapeurs, c’est une mélancolie profonde, une langueur générale, ou plutôt c’est un feu secret et dévorant ; ce n’est plus un songe, c’est une réalité continue, elle est atteinte d’une passion violente qu’elle combat en vain, passion cependant d’autant plus folle que, dans le cas même où la grâce l’abandonnerait, où le démon l’emporterait, ce serait sans espoir de retour de la part de celui qui en est l’objet, personnage grave, éminent en vertu, et qui ne daignerait pas jeter les yeux sur elle. Elle se retourne en même temps, elle offre à ce témoin, qui ne perdait rien, une gorge ravissante et qu’elle a, en effet, assez belle ; puis, le regardant avec tendresse, elle continue : “Oui, vous voyez en moi, mon père, la plus coupable des pécheresses ; c’est au tribunal de la pénitence même, c’est en y déposant mes iniquités que je me couvrais de nouvelles, que je puisais un amour sacrilège, incestueux. Ah ! que ne puis-je quitter les habits de mon sexe, prendre un habit religieux, aller vivre auprès de lui, le servir, ne le point quitter, et repaître au moins sans cesse mes regards du plaisir de contempler sa face vénérable, car il a l’air majestueux comme vous, le regard bénin et doux, la voix onctueuse et touchante ; je crois le voir et l’entendre… Malheureuse ! qu’ai-je dit ? Hélas ! vous ne lui ressemblez que trop bien, sans doute, vous seriez inexorable comme lui…”

Ven 17 aoû 2007 Aucun commentaire