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« Parfaitement convaincue que je ne pourrais que lui faire honneur, Madame Richard n’hésite point à me montrer au prélat auquel elle me destinait. Bien plus, ce qui est fort rare en pareil cas, très persuadée que la jouissance ne contribuera qu’à m’attacher davantage Sa Grandeur, elle lui propose un essai. Il en est si content, si enchanté, qu’il se détermine à m’entretenir. Il ne se flattait pas de trouver dans le même objet tant de jeunesse et de charmes — c’est vous, Messieurs, qui, par vos éloges, m’autorisez à me louer ainsi moi-même ! —, réunis à des talents aussi consommés dans l’art des voluptés. Il donne un gros pot-de-vin à l’entremetteuse, il s’empare de moi et me met sous clef. Le terme n’est pas trop fort ; il était jaloux comme un tigre. Il me logea dans une petite maison du faubourg SaintMarceau, qui était une miniature, extrêmement bien meublée, mais tout à fait écartée, uniquement entourée de jardins et de couvents. Il remplissait par là son double objet : et de me soustraire au commerce et aux regards, pour ainsi dire, de tous les humains, et se ménager la facilité de s’introduire chez moi sans scandale et sans bruit, à telle heure et comme bon lui semblerait. En outre, il ne voulait point que j’eusse auprès de ma personne de domestique, mâle surtout. Une coiffeuse à mes ordres tous les matins ajustait mes cheveux et me servait de femme de chambre. Une vieille venait faire mon ménage, mettre mon pot-au-feu et s’en allait l’après-dînée ; elle ne revenait que le soir très tard, à l’heure indiquée, lorsque Monseigneur ne couchait pas avec moi, parce que je lui avais déclaré que j’aurais trop peur, que je ne pouvais ainsi passer la nuit toute seule dans une maison.
« Je me trouvais donc dans une captivité infiniment plus gênante que celle où m’avait tenue Madame de Furiel, et je doute que j’eusse pu supporter longtemps cette solitude. Un incident très extraordinaire — car je suis née, ce semble, pour les événements bizarres — vint encore renverser ce commencement de nouvelle fortune.
« Monseigneur, par son hypocrisie et sa haute naissance parvenu de bonne heure à l’épiscopat, dès qu’il avait été sur le siège, s’était laissé aller à la fougue de son tempérament. Il avait choisi des grands-vicaires, jeunes, égrillards comme lui, de son goût, et moins destinés à le seconder dans la régie de son diocèse que dans son libertinage. S’occupant peu de convertir, ils ne cherchaient, au contraire, qu’à pervertir les personnes du sexe qu’ils en jugeaient dignes. Ils dépucelaient les filles, débauchaient les femmes. Ils étaient le fléau des mères et des époux. Ils répandaient la terreur dans tout le canton. Ce train de vie dura aussi longtemps que Monseigneur resta sur ce siège. Nommé, depuis, à une autre prélature, blasé sur les plaisirs de l’amour et usé de débauches, il a profité de cette circonstance pour changer de vie. L’ambition s’est éveillée chez lui : il brigue aujourd’hui les plus hautes dignités de son ordre — même la pourpre. En conséquence, il s’est réformé. Il affiche plus de régularité et n’a sourdement qu’une simple maîtresse afin de satisfaire aux besoins de la nature quand ils renaissent encore. Je vous rends sa propre confession, et voilà ce qui l’avait engagé à solliciter l’entremise de Madame Richard, et à m’entretenir.
« Quatre de ces grands-vicaires, qui étaient à Paris, confondus de ce changement, ne pouvaient se le persuader ; ils ne le croyaient point véritablement et avaient soupçon de quelque mystère. Afin de s’en éclaircir, ils résolurent d’épier Monseigneur séparément, chacun de son côté, de suivre ses allures et de découvrir ce qui en était. Ils convinrent que le premier qui saurait quelque chose en instruirait les autres. L’un d’eux connaissait un exempt de police : avec de l’argent, on fait tout ce qu’on veut ; il en eut bientôt les mouches à ses ordres, qui éventèrent ma retraite et lui contèrent mon histoire entière. Alors il rassembla ses confrères étonnés de son intelligence et de sa finesse. Ils furent enchantés de la justesse de leurs conjectures. Mais, pour punir Monseigneur de sa dissimulation, ils arrêtèrent qu’il fallait lui souffler sa maîtresse, ou du moins partager sa couche. Quel serait ce fortuné mortel ? On ne peut désirer ce qu’on ne connaît pas ; il fallait commencer par s’introduire auprès de la belle, par reconnaître si elle méritait les éloges qu’on en faisait ; ensuite, chacun, suivant que le coeur l’inspirerait, pousserait sa pointe auprès d’elle.
« Ces lévites, souvent déserteurs du service des autels pour celui des femmes, accoutumés à courir les bonnes fortunes, à hanter les mauvais lieux, se respectaient cependant assez pour ne pas compromettre leur robe. Ils se déguisaient alors en cavaliers. Ils prennent ce travestissement d’autant plus nécessaire en cette occasion que, dans le cas où ils ne réussiraient pas, ils ne craignaient rien de mon indiscrétion auprès de leur évêque, dépaysé par un tel costume. Ils se rendent en carrosse à ma porte un jour qu’ils savaient Monseigneur à Versailles et étaient bien sûrs qu’il n’en reviendrait pas de sitôt. Je suis effrayée de leur descente : quatre plumets, dont je ne connaissais aucun, m’intimident ; je crains qu’ils ne veulent faire tapage et je suis forcée de leur faire beaucoup d’honnêteté et d’accueil. Je suis bientôt rassurée ; mais ils m’embarrassent bien autrement quand ils m’apprennent toute mon histoire, et surtout quel est mon entreteneur. Je tombe de mon haut, je suis confondue. Bientôt la conversation prend une tournure gaie et plaisante ; ils me proposent de remplacer Monseigneur, dont ils connaissent l’insuffisance, et m’offrent le choix entre eux. Je les aurais volontiers pris au mot, et tous les quatre sur-le-champ, mais il fallait me contenir vis-à-vis de pareils étrangers. Je n’en résolus pas moins de satisfaire ma fantaisie, mais de m’y prendre plus adroitement. Tandis que nous rions, que nous folâtrons ensemble, je les tire successivement à l’écart et leur donne à chacun un rendez-vous séparé ; je les prie en même temps de me garder le secret, même vis-à-vis de leurs camarades. Je comptais plus sur leur amour-propre que sur ma défense, du moins jusqu’au moment où ils auraient joui ; et cela me suffisait. En effet, chacun désirant mettre à fin son aventure avant de s’en vanter, rit intérieurement de la duperie des autres et, en s’en allant, se récrie sur mon honnêteté, à laquelle il ne s’attendait pas. Il me cite comme un dragon de vertu dont il n’est pas possible d’approcher, comme un phénomène unique entre les courtisanes.