virtualsex


« Ayant bientôt repris sa première vigueur, il profite de mon état pour entrer dans la route du vrai bonheur et me livrer un assaut si terrible que la douleur me rappelle à la vie ; j’allais crier lorsque le plaisir fait expirer ma plainte sur mes lèvres.
« Quand, après plusieurs extases répétées coup sur coup, j’eus le loisir de me reconnaître et de parler, je voulus savoir à qui j’avais eu affaire et comment il avait ourdi cette intrigue.
« N’osant avouer quel il était, Mille me fit une histoire : il se dit fils de Madame de Furiel. M’ayant aperçue plusieurs fois dans le carrosse de sa mère, aux boulevards et dans sa loge aux spectacles, il s’est senti jaloux d’elle ; il est devenu amoureux fou de moi. Ne sachant ni comment m’entretenir, ni comment me voir, instruit de l’impossibilité de parvenir à moi sous sa forme ordinaire, il a imaginé de corrompre quelqu’une de mes surveillantes. Ayant encore échoué, il s’est retourné du côté des ouvrières à mon service, et il bénit l’amour de lui avoir suggéré ce stratagème qui lui a réussi complètement. Il estime toutefois prudent que l’agente de son succès l’ignore ; il va lui dire que j’ai été inexorable et qu’il perd tout espoir. Je dois de mon côté ne faire aucun reproche à la demoiselle et garder le plus profond silence. Il va se faire faire des habits de femme, et il s’introduira désormais de lui-même aux heures et de la manière que je lui indiquerai. Je ne puis qu’approuver ces sages résolutions et je le quitte, non sans lui témoigner mon désir de le revoir bientôt.
« Mon premier soin fut de prétexter une incommodité afin de me ménager quelques jours de repos et, par des lotions doucement astringentes, de dérober à la connaissance de Madame de Furiel les vestiges des ravages que le monstre m’avait causés.
« À ce soin dut bientôt en succéder un autre, non moins essentiel : j’eus des vomissements, des malaises, tous les symptômes de la grossesse, des suppressions surtout impossibles à cacher à mes femmes qui en rendirent compte à Madame de Furiel et l’alarmèrent sur mon état. Mais le plus difficile était de soutenir deux copulations dont l’une était devenue également insipide et fatigante par les efforts de l’autre, trop attrayante, à laquelle se livraient avec emportement toutes mes facultés.
« Vous concevez que ces divers incidents ne pouvaient que préparer une femme si clairvoyante à la découverte d’un mystère qui devait éclater tôt ou tard.
« De son côté, Mille, fort embarrassé, à son retour, de témoigner à sa maîtresse sa reconnaissance telle qu’il en avait coutume et telle qu’elle l’attendait, fut obligé d’avoir recours à quelque mensonge et de la laisser sortir du lit comme elle y était entrée. Elle se consola dans l’espoir que cela irait mieux une autre fois. Même anéantissement ; elle ne put plus douter de son refroidissement et que ce refroidissement ne vînt de quelque autre allure. Il s’agit de la découvrir. Ses soupçons ne portaient nullement sur moi, malgré ma réticence absolue, d’après ce que lui avait dit son amant, d’après la persuasion où elle était qu’il n’était venu chez moi qu’une fois, et surtout d’après le peu d’analogie qu’il devait y avoir entre le coiffeur et une demoiselle aussi richement entretenue.
« Sans le hasard, elle aurait donc été longtemps à espionner.
« Un matin qu’elle venait m’apporter quelques modes, elle observe de loin sortir une fille ressemblant beaucoup à Mille ; celui-ci ne pouvait la distinguer dans sa thérèse. Elle veut s’éclaircir ; elle suit par-derrière la fille déguisée, elle se confirme dans son idée lorsqu’elle la voit entrer dans la rue, dans la maison, dans la chambre de Mille. Elle frappe ; on ne répond point ; elle regarde par le trou de la serrure, elle le voit occupé à se déshabiller. Elle frappe plus fort, il répond qu’on attende un moment ; enfin il ouvre. Quelle surprise lorsqu’il trouve sa maîtresse ! Il rougit, il lui demande excuse, mais il ne savait pas qui c’était, il sort de son lit, il a été incommodé toute la nuit, il n’a eu que le temps de passer une robe de chambre. Elle n’est plus dupe de tous ses mensonges dont elle connaît la fausseté ; elle trouve d’abord sur lui-même, sur sa chemise, des indices de son infidélité. Elle furète ensuite et reproduit à ses yeux l’habillement qu’il vient de quitter et déposant trop bien contre lui ; elle fait semblant encore d’ignorer d’où il sort ; elle veut le savoir, elle ne lui accordera sa grâce qu’à ce prix. Toute cette recherche accompagnée d’un torrent d’injures, d’invectives, de menaces qui l’effraient ; il avoue tout pour en être quitte.
« Elle n’a plus rien à apprendre. Elle sort, redoublant de fureur, et lui souhaite pour dernier adieu que Madame de Furiel, instruite de sa perfidie, lui en paie incessamment le salaire et le fasse assommer dans les bras de sa conquête.
« Elle ne s’en tient pas à ce pronostic. Ayant laissé à l’infidèle quelques jours de repentir sans qu’il en profite, elle se rend chez Madame de Furiel et l’instruit de ce qui se passe. Cette dénonciation, jointe à ce qui avait précédé, est un coup de lumière pour celle-ci, qui ne doute plus d’être ma dupe. Mais elle en veut acquérir la preuve plus certaine. Elle avait eu soin de se faire donner le signalement le plus exact de ce garçon travesti en fille. Elle s’en informe aux surveillantes, dont le rapport est parfaitement semblable. Elle donne ordre, la première fois que cette fille viendra, de la laisser passer sans aucune difficulté, mais de venir l’avertir sur-lechamp.
« L’occasion ne tarde pas à se présenter d’obéir à Madame de Furiel ; on court l’instruire ; elle arrive. Nous étions enfermés dans mon boudoir ; elle en fait enfoncer les portes ; nous avions eu le temps de nous remettre en posture décente ; mais trop d’indices nous trahissaient : notre silence, notre stupeur surtout ; nous ne pouvions articuler une parole. Elle s’adresse à moi et s’écrie : “Malheureuse, voilà donc comme tu tiens tes engagements, tes serments ! Voilà comme tu reconnais mes soins, tu paies mes bienfaits, tu me rends amour pour amour ! Ingrate, as-tu pu t’oublier à ce point ? Et dans quels lieux ? Dans ce lieu où tu aurais dû te rappeler à la reconnaissance et te reprocher ton crime, où tu ne pouvais faire un pas, porter tes regards, étendre la main, au loin, de près, autour de toi, sur toi, sans rencontrer des marques de ma faiblesse et des preuves de ta perfidie ! Comment n’as-tu pas craint que cette ottomane même, théâtre infâme de tes plaisirs, ne s’animât tout à coup, ne se soulevât d’indignation pour rejeter de son sein celle qui la souillait, qui la pressait par une prostitution abominable dont jusque-là elle n’avait jamais été le témoin ni la complice ?… Au reste, c’est ma faute ; que pouvais-je attendre d’une fille née de la boue, dont l’âme, aussi basse que son origine, devait nécessairement s’en ressentir ?”
« Alors elle se tut, oppressée par la vivacité de son apostrophe ; elle versa des pleurs, non de tendresse, mais de désespoir et de rage.
« Cependant j’étais revenue de ma première frayeur et je lui dis : “Madame, je ne ferai point de mensonge ici. Je ne désavouerai point ma faute, trop prouvée, que vous appelez un crime. Si c’en est un, c’est celui de la nature, c’est le vôtre. Vous savez, par votre propre expérience, qu’on ne peut se soustraire à son penchant, que les promesses et les serments ne peuvent rien contre la nature, que tôt ou tard elle reprend son empire ; mais je me défendrai du crime plus réel d’ingratitude. Ce sentiment n’est point dans mon coeur, il est loin de moi. Je suis pénétrée de vos bontés ; je m’en souviendrai toute ma vie ; je voudrais les payer de mon sang et, si mes services vous sont agréables, je consens à vous les rendre jusqu’à mon dernier soupir, à être votre esclave ; mais c’est tout ce que je puis faire et je renonce autrement à tous vos bienfaits. Au surplus, vous voyez que je n’ai point fait un choix indigne et dont vous ayez à rougir :
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